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2006 : Le mécénat de compétences au service des artistes / le mécénat culturel et l'art contemporain, Palais du Luxembourg, Paris, CCM, avec Nathalie Bazoche, Magda Danysz, Michel Duffour, Marianne Eshet, Didier Janot, Sofianne Le Bourhis-Smilévitch, Sophie Liger, Serge Malik, Patrice Marie, Alain-Dominique Perrin, Catia Riccaboni, Germana Richner / http://www.sergemalik.com
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CCM
Actes de la table ronde du 22 mai 2006 au Palais du Luxembourg
Le mécénat culturel et l’art contemporain
La table ronde du 22 mai 2006 avait pour objectif de permettre à ceux pour qui le mécénat est un outil de promotion de la culture, de comprendre ses enjeux et d’en identifier les acteurs pour élaborer des projets.
L’intervention d’un club de mécènes (Prisme) et celles d’artistes (Hervé Trioreau et Sylvie Blocher) ont permis d’illustrer le propos.
Cette réunion d’acteurs du mécénat culturel a fait entendre des voix qui s’expriment rarement sur un tel sujet : Sophie Liger, qui représentait le MEDEF, en est un exemple.
Chargée du développement durable, de l’énergie et de l’environnement, Madame Liger a retenu l’idée de proposer au MEDEF une réflexion sur le mécénat culturel.
Alain-Dominique Perrin a clôt la table ronde avec un rappel de faits concernant le mécénat.
L’aventure de la fondation Cartier qui commence avec une suggestion de César est singulière. A l’époque, Monsieur Perrin doit se battre pour imposer au Trésor Public son choix pour l’art contemporain plutôt que l’achat d’un voilier ou d’une équipe de foot.
Menacé de redressement, avec le soutien de ses actionnaires, il maintient sa position jusqu’à obtenir gain de cause et faire reconnaître le bien-fondé de son initiative et de ses choix effectués au seul profit de la communication de son entreprise.
Serge Malik :
Q/ Hervé Trioreau, quels sont les moyens de production et de visibilité d'un jeune artiste aujourd'hui ? (dans une génération où l’on constate de plus en plus souvent que l’artiste est son propre médiateur et peut être même son propre agent…)
Hervé Trioreau :
R/ Depuis 1995 je travaille sur les relations avec l’architecture, c'est-à-dire que chaque projet est développé par rapport à un espace (que ce soit un espace institutionnel, une DRAC, un centre d’art ou autre).
A chaque fois, il y a la création d’un projet spécifique, par rapport à une exposition, personnelle ou collective. Ce genre de dispositif sous-entend, bien entendu, des moyens financiers et des moyens techniques. Il s'avère que depuis 1995 les financements publics, pour ma part, sont extrêmement faibles (d’autant plus avec les restrictions budgétaires dont font l’objet les DRAC depuis quelques temps).
Il a donc fallu que j'arrive à équilibrer mon budget, en travaillant grâce à des apports à la fois publics et privés. D’autant que l'élaboration de certains projets – souvent des projets qui jonglent entre art et architecture – demandent des moyens techniques et financiers souvent assez lourds. L'État, le centre d'art ou la DRAC ne peuvent aider qu'à un pourcentage assez faible. Par exemple, pour l’une de mes dernières expositions à Paris (Glassbox), j'ai bénéficié d’une aide à la création de la DRAC Ile de France très conséquente – évidemment tout est relatif – : 6 000 , sur une production totale qui arrivait aux alentours de 25 000.
Lorsqu'on fait un développement par rapport à un projet et un lieu, et quand il y a une collaboration avec une structure (en l'occurrence Glassbox), on est en situation de déséquilibre budgétaire qui fait qu’à un moment on est obligé, c'est ce que je fais depuis 1995, d'aller rencontrer les entreprises et de collaborer avec elles. On essaie ainsi de négocier avec elles, afin d’avoir dans le plus mauvais des cas une réduction pour pouvoir acheter au plus bas prix le matériel, ou qu’elles cèdent au plus bas prix sur l'élaboration ou la finalisation du projet. Dans le meilleur des cas – ce qui m'est d’ailleurs arrivé assez régulièrement – on obtient un mécénat complet, c'est-à-dire que l'entreprise convaincue aide à la réalisation du projet. Dans ce cas, l’entreprise s’engage réellement dans le projet, ce qui donne lieu à des rapports très fidèles avec l'ensemble des entreprises qui nous ont aidé. Il y a vraiment un échange très riche dans la collaboration entre l'artiste, le chef d'entreprise, et les ouvriers, c'est-à-dire ceux qui vont travailler et développer le projet..
Avec ce type de mécénat, l'entreprise s'investit à part entière, ce qui permet une amélioration matérielle du projet et une jonction horizontale entre le désir de l'artiste, et les objectifs et contraintes de réalisation.
L'artiste, qui communique son désir à l'entreprise, que le chef d'entreprise va relayer à l'ensemble des salariés de l'entreprise. J’ai constaté de manière assez surprenante que les entreprises qui ont investi parfois des sommes importantes dans mes projets refusent parfois l’idée de défiscalisation, préférant que leur engagement demeure un acte désintéressé. Ces entreprises privilégient ainsi le dialogue, le face-à-face instauré avec l'artiste, et l'énergie générée par leur engagement dans le projet, créant ainsi une sorte d'émulation dans l'entreprise lors de la production.
Tout le monde – l'artiste, les salariés ou le chef d'entreprise et en l'occurrence, le lieu – collabore au même projet.
Serge Malik :
Q/ Selon vous ces entreprises industrielles dont vous parlez, et qui ne sont pas nécessairement de grandes entreprises, interviennent-elles consciemment en tant que mécènes ?
Hervé Trioreau :
R/ Je parlais de négociations au moment de la rencontre avec l’entreprise, mais ce n’est pas le meilleur terme. Il y a en fait plutôt un travail pédagogique à réaliser. A la base, ces entreprises-là qui sont souvent des PME entre 10 ou 20 salariés au grand maximum, ne sont pas mécènes, n’ont aucune connaissance en art contemporain, ne fréquentent pas forcément les expositions.
Il y a ‘découverte’ et, automatiquement, plaisir de la première fois. Il y a un réel rapport qui se poursuit aujourd’hui avec quelques entreprises, que je revoit,et même avec qui je retravaille sur certains projets, et qui deviennent mécènes la seconde fois. Par exemple, lorsque j’ai essayé de m’associer à de plus grosses entreprises, en 2000, j’ai eu plus de mal à les approcher (alors qu’elles avaient des services spécifiques au mécénat), et lorsque j’ai obtenu d’elles une aide, il a été extrêmement difficile d’avoir ensuite un suivi. J’aurais aimé les rencontrer, qu’ils viennent voir l’exposition – ce que je fais régulièrement avec les PME et les petites entreprises, avec qui il y a un réel rapport humain qui s’établit. Je constate donc par expérience qu’il est plus difficile d’approcher les grandes entreprises, et d’établir avec elles un véritable échange, un engagement commun sur la réalisation d’un projet, qu’avec les plus petites entreprises. Dans le cadre du mécénat, l’entreprise n’appuie pas sur la problématique, le concept ou l’élaboration finale du projet, mais va aider à le réaliser, va trouver des solutions techniques par rapport à un croquis, une simulation, un dessin ou l’utopie d’un projet. Elle va pouvoir, par rapport à ses compétences, aiguiller à la réalisation du projet de l’artiste. Il y a un échange qui se met en place, sans contrecarrer le projet, qui apporte une certaine plus-value, une finalisation qui va réellement correspondre au projet développé par l’artiste.
Conclusion :
Alain Dominique Perrin :
Je ne suis pas sûr que l’Etat l’assume toujours. Si le ministre de la culture actuel, qui fait un formidable travail, l’assume, le travail que font, souvent dans une relative difficulté, un certain nombre d’entreprises en matière de mécénat culturel, je pense surtout aux PME, n’est lui pas toujours bien accueilli, aussi bien par le monde des artistes que par le monde culturel (FRAC, DRAC, et autres institutions régionales).
Néanmoins, il me semble que 17% des entreprises de plus de 200 salariés font du mécénat, ce qui représente une grande avancée.
J’ai en mémoire, qu’il y a 25 ans, ce n’était pas 17%, mais 1,7% ! Les choses ont donc drôlement changé, et nous devons nous en féliciter. Je considère que le mécénat culturel des entreprises est indispensable.
C’est ça, la vie en société. Le rôle d'une entreprise qui gagne de l’argent n'est pas de se faire pointer du doigt à chaque fois qu'elle en gagne, et encore à chaque fois qu’elle en perd, c'est de participer à la vie en société, à la vie civile, et d'être reconnue pour ça.
Pour conclure, je tiens à féliciter Hervé Trioreau, car je trouve que sa démarche est remarquable. Dans des cas comme celui-ci, c’est la nature et la personnalité de l’artiste qui font la différence. Il a su aller chercher les entreprises, et les a trouvées, ce qui prouve que quand on va les chercher, on les trouve.